Je suis émerveillée de voir fleurir des nouvelles initiatives à impact positif issues de l’entrepreneuriat social sur mes réseaux ces dernières années. On assiste en effet à un fort développement du secteur de l’impact, qui répond d’une part à la nécessité de la société civile de s’emparer de problématiques sociétales et/ou environnementales (face à l’impuissance du politique), et d’autre part à l’envie croissante chez les salariés de s’engager professionnellement dans une cause qui leur parle.

Je me suis intéressée plus particulièrement à ce secteur, car y ayant moi-même évolué et ayant accompagné de nombreux.ses client.e.s en burn-out, j’ai toujours été convaincue qu’il y avait un lien entre la quête de sens que recherchent les salariés de ce secteur et le risque d’épuisement professionnel.

Cette fameuse quête de sens que je retrouve chez mes coaché.e.s, touche de plus en plus de salariés de secteurs plus « conventionnels », et si elle n’est pas adressée, va pousser certains au “quiet quitting”, au “brown-out” ou encore à des manifestations plus graves comme le burn-out ou la dépression.

NB : Cette quête et ses conséquences ne sont pas à prendre à la légère quand on voit leurs coûts cachés pour l’entreprise (sujet d’un futur article !).

Travailler dans une structure “à impact positif” représente donc pour certains le remède à leur mal-être professionnel.

Cependant, comme je le pressentais intuitivement, il apparaît que ces secteurs et ces métiers à impact présentent eux aussi des risques sur le plan de la santé au travail, notamment un risque plus élevé d’épuisement professionnel ou de burnout.

Rappel de la définition du burn-out

De quoi parle-t-on concrètement ?

Le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel se caractérise par 3 dimensions :

  • épuisement émotionnel
  • cynisme vis à vis du travail
  • diminution de l’accomplissement personnel au travail

Qu’on va pouvoir observer concrètement via des manifestations d’ordre :

  • psychiques – anxiété ; baisse de moral, tristesse ; irritabilité ; hypersensibilité ; indifférence ou apathie ; difficulté d’attention ou de concentration ; troubles de la mémoire ; isolement social ; comportements addictifs type alcoolisme ; perte de confiance en soi ; attitude agressive voire violente ; ressentiment envers vos collaborateurs ; perte de motivation.
  • physiologiques – tensions ou douleurs musculaires ; fatigue chronique; troubles du sommeil ; mal de dos ; crampes ; maux de ventre ; maux de tête ; etc.

Voici les chiffres que j’ai trouvés pour 2022

  • 1 salarié sur 2 éprouve une difficulté psychologique. Chez les jeunes actifs de 18 à 24 ans, ce chiffre monte à 6 salariés sur 10, dont 23% déclarent se sentir “très mal”.
  • 2,5 millions de salariés sont en état de burn-out sévère, soit 34% des salariés (source : sondage 2022 Empreinte Humaine, lien en commentaire)
  • Les professionnels des RH sont 64 % à être en situation de détresse psychologique, 63 % en situation de burn-out, dont 34 % de burn-out sévère.
  • 44% des managers sont en détresse psychologique.
  • Les trois-quarts des salariés disent souffrir de fatigue. Chez les salariés de 18 à 24 ans, c’est même 77 % ! (source MyHappyJob, lien en commentaire)

Ce qui ressort de ces études, notamment de l’ère post Covid, c’est que ce sont les conditions d’exercice plus que la mission ou les tâches en elles-mêmes qui causent l’épuisement : Pression, surcharge de travail, sous-effectifs…

Ces données sont à relier aussi aux phénomènes d’hyper-accélération des outils numériques et de fatigue informationnelle qui sont des lames de fond qui impactent tous les secteurs.

Le secteur de l’impact : plusieurs facteurs de risque

Parmi les nombreux facteurs favorisant l’apparition du burn-out (cf. Guide d’aide à la prévention – Le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout – Mieux comprendre pour mieux agir 2015 de l’INRS – lien en commentaire), voici selon moi les 5 facteurs qui font du secteur de l’impact un secteur particulièrement à risque :

facteur #1 : les exigences liées au travail (intensité et temps de travail)

  • dans le secteur de l’impact positif, la mission portée par l’association ou l’entreprise est ce qui a attiré le.la collaborateur.trice, ce qui lui a donné plus de sens dans son quotidien professionnel. Iel aura tendance à ne pas compter les heures, à surinvestir le travail au détriment d’un équilibre vie pro/vie perso.
  • Le surinvestissement du pan professionnel de sa vie s’accompagne souvent de sur-engagement, le fait d’être entièrement dédié à la cause et donc à son travail sera la “norme”.
  • Lorsque la vie perso est désinvestie, la frontière pro/perso peut devenir floue (côtoyer les mêmes personnes au travail et en dehors, afterworks durant lesquels on continue de parler des missions, travail le week-end etc.) – le travail ne s’arrête jamais réellement.
  • Enfin, certains collaborateurs de l’impact peuvent aussi être concernés par le “burn-out militant”

facteur #2 : les exigences émotionnelles

De nombreux métiers de l’impact impliquent un contact fréquent avec des publics en situation de détresse plus ou moins extrême : le poids émotionnel de ces contacts couplé à la volonté d’aider (de sauver) peut mener à une surcharge émotionnelle qui ne sera pas adressée car considérée comme “non importante” au regard de cause défendue)

facteur #3 : les conflits de valeurs et la “qualité empêchée”

  • le choix de travailler dans ce secteur est un choix basé sur des valeurs : lorsque l’individu ressent une dichotomie entre les valeurs prônées par la structure (celles qui l’ont fait rejoindre le secteur ex. transparence, solidarité, équité), et la façon dont elles sont respectées dans ses missions, dans l’organisation de son travail ou dans le management, cela peut être vécu de manière extrêmement douloureuse.
  • l’incapacité à faire un travail de “qualité” dans un métier à impact peut être vécue comme allant à l’encontre de la cause défendue et choisie par le collaborateur, et mener à nouveau à une perte de sens très forte dans son quotidien et peut être délétère psychiquement. Je retrouve cette dissonance régulièrement chez mes coachés.

facteur #4 : l’insécurité de la situation de travail

Cette insécurité liée à la peur de perdre son emploi, à la précarité d’un contrat, ou encore à l’incertitude sur l’avenir est plus importante dans le secteur de l’impact. En effet, il existe une surreprésentation dans ce secteur de contrats à durée déterminée visant à faciliter l’insertion socio-professionnelle de certains publics (contrats aidés, d’insertion, etc.)

Les structures étant en démarrage pour beaucoup d’entre elles, et l’engagement sociétal en faisant des entreprises en général peu lucratives, peut faire planer l’incertitude sur la pérennité de certains emplois.

facteur #5 : être une femme (of course!)

  • A cela il faudra ajouter le fait les métiers à impact et l’entrepreneuriat social sont majoritairement investis par les femmes : en effet les activités d’action sociale, de défense de l’environnment, de l’éducation ou de l’accompagnement, sont encore très « féminisées ».
  • Or les femmes sont deux fois plus à risque de développer un syndrome d’épuisement professionnel : selon la dernière étude « Women in the Workplace 2020 » de McKinsey (lien en commentaire), aux Etats-Unis, elles sont même 1 sur 3 à envisager d’alléger leurs missions professionnelles, voire à quitter le marché du travail à cause de leur épuisement, chiffre en augmentation depuis le covid.
  • De façon générale, elles sont plus touchées par la précarité et par l’incertitude sur leur avenir personnel et professionnel : un terreau malheureusement favorable à la dégradation de la santé psychologique.
  • De plus, l’effet “double journée” est toujours une réalité : les femmes font, en moyenne, cinq heures de plus par jour de travail domestique non-rémunéré, ce qui pèse sur leur bien-être dans le milieu professionnel.
  • Enfin, elles sont ainsi beaucoup plus touchées par le syndrome du “burn-out parental” lié à la gestion de l’éducation et l’intendance au quotidien des enfants.

Des situations pouvant être évitées

Ces facteurs accentués de risque ne sont pas pour autant une fatalité. Les solutions pour prévenir le burn-out et les RPS, individuellement ou collectivement, sont nombreuses et à adapter à la problématique de votre entreprise comme par exemple :

  • des mesures rapides à enclencher : audits et baromètres, formations dirigeants et RH, workshops & groupes de travail internes dédiés aux axes prioritaires, …
  • des mesures de moyen terme : mise en place de chartes de bonnes pratiques, amélioration de l’expérience collaborateur et de l’équilibre de vie (notamment du parent-collaborateur), formation des managers et collaborateurs à la détection des burn-out, mise en place de journées de sensibilisation, …
  • des mesures individuelles : suivi managérial régulier et personnalisé, coaching collaborateur, coaching manager, accompagnement individualisé à la reprise de poste (suite burn-out ou maternité) ou à une mobilité interne/externe, …

Le plus important à mon sens est d’impliquer toutes les parties prenantes de l’entreprise et que chacun devienne co-responsable d’un environnement positif et d’une qualité de vie commune au travail.

Si le sujet vous parle, n’hésitez pas à me suivre afin de lire les prochains articles sur le sujet, notamment le prochain sur la #prévention des burn-outs dans le secteur de l’impact.

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Sources :
mc kinsey : https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace
INRS : https://www.inrs.fr/dms/inrs/Presse/presse-2015/rapport-burnout/rapport-burnout.pdf
My Happy job : https://www.myhappyjob.fr/ce-nest-pas-tant-leur-metier-que-les-conditions-dans-lesquelles-ils-lexercent-qui-affectent-le-moral-des-salaries
Empreinte humaine : https://empreintehumaine.com/rapport-au-travail-et-etat-psychologique-des-salaries-francais-post-crise-quelles-attentes-quelles-solutions/